Les enseignes de distribution recentrent leurs offres après avoir essuyé quelques échecs à Noël dernier. Les fabricants revoient leur stratégie pour mieux coller aux attentes des consommateurs.
ÉLECTRONIQUE Ce devait être le Graal. Il y a encore quelques mois, les distributeurs, comme la Fnac, BHV ou Boulanger, misaient massivement sur les objets connectés pour attirer les consommateurs dans leurs magasins. Cette nouvelle catégorie de produits, allant de la lampe connectée au drone en passant par le thermostat, la montre, la balance devait prendre le relais des ventes de téléviseurs et des PC. Il n’en a rien été. Du coup, distributeurs et fabricants revoient leurs positions, sur fond de constat d’échec.
« En dépit de tous les discours, de l’offre pléthorique et de l’excitation apparente, le grand public ne vient pas », tranche Rafi Haladjian, fondateur de Sense, qui rappelle « faire des objets connectés depuis treize ans ». Trop chers, trop difficiles à comprendre, trop complexes à utiliser… Les explications ne manquent pas. « Les créateurs de start-up ont parfois fait preuve de naïveté. Ils ont oublié les marges de distribution, qui multiplient le prix par deux ou trois », renchérit Éric Morand, directeur tech et services innovants chez Business France. Paul-François Fournier, directeur Innovation, chez Bpifrance, enfonce le clou : « Les spécialistes du marché connecté doivent réussir à toucher le grand public, aller au-delà de la population des geeks, qui sont les seuls à avoir répondu à l’appel. » Le coq de la French Tech pourrait perdre quelques plumes dans l’affaire. Il pourrait notamment être un peu moins visible dans les rayons, même si une vingtaine d’enseignes se sont engagées à faire la promotion des produits qui ont obtenu ce label.
Échaudées, « les enseignes de distribution se recentrent sur les produits où elles ont une légitimité », résume Stéphane Bobhot, fondateur de Lick. Les pharmacies commercialisent des objets connectés dédiés à la santé, les enseignes de bricolage privilégient les thermostats, caméras et ampoules connectés… À l’image du BHV, qui vient d’inaugurer un corner Lick qui est plus spécialement dédié à la maison intelligente. Pour un généraliste comme la Fnac, cela se traduit par une nouvelle mise en rayon. Les drones dédiés à la photo sont au rayon photo et les jeux connectés au rayon enfant ! « Nous conservons un espace dédié aux objets connectés mais nous les intégrons d’avantage dans les univers dont ils sont issus », résume Laurent Lamé, directeur objets connectés et téléphonie à la Fnac.
Changements stratégiques
« Il y aura sans doute une rationalisation du marché courant 2017, avec la disparition d’entreprises », ajoute Eric Morand. Pour tenter d’éviter cette issue fatale, certains fabricants ont commencé à opérer un changement stratégique. Lucide, Rafi Haladjian commence par fustiger ses propres inventions. Il a d’ailleurs revu sa copie et, après avoir lancé Mother, une borne pour contrôler des objets à distance à 250 euros, revient avec une gamme de capteurs, Peanuts, à 29 euros. Le premier est un thermomètre connecté, sorte de mini-station météo.
Il n’a pas été le seul à avoir passé une année difficile. Parrot, la star française du drone, a dû reprendre des produits à ses distributeurs qui croulaient sous les stocks. Attaqué sur le haut de marché par l’américain DJI, il s’est fait tailler des croupières par les produits chinois à moins de 100 euros. Depuis, il a revu son positionnement et vise un segment plus porteur : celui de la photo et de la réalité virtuelle. Même sanction pour AwoX, qui a aussi baissé les prix de ses ampoules connectées, pour être davantage dans le marché. « Même sur des segments porteurs comme celui des montres connectées, on commence à voir des fabricants qui jettent l’éponge », souligne Laurent Lamé. LG et Moto se font ainsi plus discrets sur ces segments.
Pourtant, certaines catégories de produits tirent leur épingle du jeu. C’est notamment le cas des caméras connectées, des montres sportives – avec deux poids lourds, Garmin et TomTom – ou encore des casques de réalité virtuelle, qui font de débuts prometteurs. Les objets connectés dédiés aux entreprises ont eux aussi le vent en poupe. La valeur ajoutée des services associés à ces produits est beaucoup plus facile à appréhender pour des entreprises que pour des particuliers. Par exemple, une société qui équipe tout un bâtiment de capteurs pour adapter chauffage et éclairage en fonction du nombre de personnes présentes verra plus vite l’impact de cet investissement sur ses dépenses. Pour accompagner ce mouvement, les opérateurs télécoms travaillent au développement des réseaux appropriés (lire ci-dessous).
Le Figaro 19/09/2016