Les cars Macron roulent mais n’amassent pas de profits

Si le marché ouvert mi-2015 explose, aucun opérateur n’est rentable.

Le succès des cars Macron ne se dément pas. Selon les dernières données connues, «leur activité a encore augmenté de 25% au premier trimestre», souligne Bernard Roman, président de l’Arafer (Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières). Depuis l’ouverture de ce marché mi-2015 suite à la loi Macron, la montée en puissance de ce service de transport a été continue et régulière, progressant sur un rythme de 25% chaque trimestre comparé au même trimestre de l’année précédente.

Résultat: entre août 2015 et juin 2016, 3,4 millions de déplacements avaient été effectués en car Macron. Sur toute l’année 2016, les opérateurs de ces autocars ont vendu 6,2 millions de tickets. Une très belle performance à relativiser: par exemple, les TGV transportent chaque jour 300.000 passagers. D’autres données confirment néanmoins qu’il y a bien là un nouveau marché pour ces trajets longue distance en car.

«17% de ceux qui ont utilisé cette formule pour faire un trajet n’auraient pas fait ce déplacement si les cars Macron n’avaient pas existé»

Bernard Roman

«17% de ceux qui ont utilisé cette formule pour faire un trajet n’auraient pas fait ce déplacement si les cars Macron n’avaient pas existé», assure Bernard Roman. 53% n’auraient pas renoncé à leur équipée mais l’auraient effectuée en voiture (covoiturage ou voiture particulière). Dans tous les cas de figure, un mode de transport beaucoup moins écologique.

D’ailleurs, les lignes les plus fréquentées sont aussi des grands classiques du TGV (Paris-Lille, Paris-Lyon). Tout simplement parce que, si les temps de transport sont beaucoup plus longs et moins fiables qu’avec la SNCF, les tarifs des cars Macron sont beaucoup moins chers.

Cette montée en puissance s’est accompagnée d’une augmentation de l’offre. Fin 2016, 180 villes étaient desservies contre 136 fin 2015. L’année dernière, le nombre de lignes a considérablement crû, passant de 653 à 985.

Du coup, le marché se chiffre désormais en dizaines de millions d’euros. L’année dernière, il a atteint les 83 millions d’euros. Mais tout n’est pas rose au royaume des autocaristes. D’abord, un point est souvent pointé du doigt par les clients: la qualité des gares routières, qui n’étaient pas prévues pour accueillir autant de trafic. Selon une enquête de Flixbus, le leader du marché, un peu moins de 20% des passagers se plaignent de la qualité de ces gares dont les abris ne sont pas suffisants l’hiver ou dont la qualité des toilettes laisse à désirer.

Concentration du secteur et hausse des tarifs

Surtout, même si la croissance est au rendez-vous, aucun opérateur de cars Macron ne gagne de l’argent, et la question du modèle économique se pose. Depuis son lancement, Ouibus, la filiale de la SNCF, a «brûlé» une centaine de millions d’euros. Rien qu’en 2016, ses pertes auraient atteint 30 millions d’euros, le montant de son chiffre d’affaires. Quant à Flixbus, l’année dernière, il aurait perdu entre 3 et 6 millions d’euros.

Pour devenir rentables, les opérateurs tablent sur deux facteurs: d’abord, la concentration du secteur qui va permettre de remonter les prix. Aujourd’hui, il n’y a plus que trois opérateurs au lieu de cinq. Mi-2016, l’allemand Flixbus a racheté les filiales d’Europe continentale de Megabus. De son côté, Ouibus a avalé Starshipper. Le troisième opérateur, Isilines-Eurolines, est une filiale de Transdev.

Faut-il y voir un rapport de cause à effet? Les tarifs ont effectivement augmenté. Fin 2016, ils se montaient à 4,70€ pour 100 km contre 3,20€ au troisième trimestre 2015. Ce mouvement de concentration n’est sans doute pas encore achevé. L’autre levier de rentabilité, c’est évidemment la croissance du marché s’il continue à se développer de 25% chaque trimestre. Du coup, Isilines, numéro trois du secteur, a annoncé il y a un mois qu’il serait rentable mi-2018.

Le Figaro 12/07/2017