Synthèse hebdomadaire des publications des think tanks du 12 au 19 juillet 2017

Think Tank Hebdo 

Réalisation : Isabelle Cavé / Service de presse et communication – Ambassade de France à Washington

 A LA UNE

G20 de Hambourg

Thomas Wright (Brookings) voit dans le G20 le reflet d’une nouvelle division du monde, alors qu’il symbolisait jusqu’à présent la convergence des grandes puissances autour d’un modèle unique d’ordre libéral mondial. Le monde serait désormais divisé entre ceux qui prônent la restauration de l’ordre international (France, Allemagne), ceux qui veulent le remettre en cause (Russie, Chine), et ceux qui se concentrent sur les intérêts purement nationaux (les « populistes », y compris Donald Trump, les défenseurs du Brexit au Royaume-Uni, la Turquie). Ces divisions se sont notamment exprimées lors de la négociation de la déclaration commune. A cet égard, la formulation alambiquée sur le commerce dissimule de profonds désaccords entre Donald Trump et les 19 autres membres, comme le souligne Joshua Meltzer (Brookings). Ce dernier prend l’exemple de la référence « fourrre-tout » aux pratiques commerciales injustes, dont l’ambiguïté permet certes à chaque Etat de s’en contenter mais qui ne sert pas nécessairement l’intérêt des Etats-Unis.

Syrie

Charles Lister (Middle East Institute) dénonce l’approche de court-terme de l’administration actuelle vis-à-vis de la Syrie, centrée sur la lutte anti-Daesh. Cette approche ne répond pas aux causes du terrorisme, que le régime autoritaire a, selon lui, largement favorisé. Sans une vision de plus long-terme visant réellement la stabilité du pays et incluant l’opposition au régime, les Etats-Unis prennent le risque de devoir un jour intervenir de nouveau en Syrie. De même, Gayle Tzemach Lemmon (Council on Foreign Relations) s’inquiète de l’avenir du pays après la chute de l’Etat islamique et remarque l’absence de plan et les divisions de l’administration, en particulier sur le sort des combattants kurdes. Sur le plan économique, Tobias Schneider (Middle East Institute) souligne l’ampleur des défis de la reconstruction qui attendent le régime syrien, déjà affaibli et dépourvu de ressources.

Etat islamique et terrorisme

Plusieurs think tanks (WINEP, RAND) s’accordent à dire que le groupe Etat islamique continuera de poser une menace terroriste après la destruction du califat en tant qu’entité géographique. Colin Clarke (RAND) attire l’attention sur la menace posée par le retour des combattants étrangers dans leurs pays d’origine. D’après l’expert, même si cette menace est moins grande pour les Etats-Unis que pour l’Europe, ils doivent néanmoins rester vigilants. Avec environ 150 combattants étrangers d’origine américaine, Colin Clarke estime qu’il doit être possible de mener une surveillance régulière de ceux qui essaient de revenir aux Etats-Unis. Pour Daniel Byman (Brookings), la vigilance est aussi de rigueur en ce qui concerne les individus qui auraient aimé mener le djihad à l’étranger mais n’ont pas pu quitter leurs pays. Aux Etats-Unis, 60% des individus que l’auteur appelle « les combattants étrangers frustrés » seraient impliqués dans une tentative d’attaque sur le sol américain, contre seulement 28% des combattants qui sont effectivement partis à l’étranger puis revenus. Le risque s’accentue au fur et à mesure que le départ vers la Syrie est rendu plus difficile. Daniel Byman avertit : « Au lieu de mettre l’accent sur la migration vers le califat, l’Etat Islamique se concentre de plus en plus sur les attaques contre l’Occident ».

Turquie

Plusieurs articles reviennent sur le coup d’Etat manqué en Turquie à l’occasion de son premier anniversaire. Alors que la distance se creuse entre la Turquie et ses partenaires transatlantiques traditionnels, Ian Lesser (German Marshall Fund) soutient que l’Europe et les Etats-Unis doivent se préparer à soutenir une relation instable avec la Turquie et mettre l’accent sur les droits fondamentaux, la coopération en matière de migration et la lutte contre le terrorisme. Jan Gaspers (German Marshall Fund) observe de surcroît que la Turquie cherche à se rapprocher de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), signe de l’érosion de la coopération transatlantique. Il en conclut que « le temps est venu pour l’UE et l’OTAN de renforcer la solidarité économique et politique parmi leurs membres respectifs ».

La classe ouvrière aux Etats-Unis

« Le pays des opportunités et du succès individuel manque cruellement d’outils pour gérer les problèmes d’une partie de sa population dont la situation est désespérée », affirme Carol Graham (Brookings). La chercheuse analyse l’augmentation du taux de mortalité prématurée (suicides, alcoolisme entre autres) au sein de la population blanche moins qualifiée et y voit la preuve d’une société américaine en crise. La situation serait notamment critique pour les ouvriers blancs, qui ont complétement perdu l’espoir de monter l’échelle sociale.

LE FOCUS DE LA SEMAINE : crise du golfe

James Jeffrey et Simon Henderson (WINEP) notent que la crise dans le Golfe a atteint un point critique et ils n’excluent pas un « scénario catastrophe » si les tensions s’intensifiaient. Si les solutions diplomatiques étaient épuisées, le Qatar pourrait envisager de jouer la carte militaire, d’abord avec les Etats-Unis puis auprès d’autres puissances comme la Russie et l’Iran. Une inquiétude partagée en partie par Bassima Alghussein et Jeffrey Stacey (Council on Foreign Relations) qui craignent une montée des violences et la remise en question des bases militaires américaines.

Anthony Cordesman (CSIS) fustige le comportement des pays arabes du Golfe, piégés dans des luttes de pouvoirs, et incapables de coordonner leurs efforts militaires. Pour traiter la question de l’Iran, les Etats du Golfe devraient selon lui créer une véritable capacité dissuasive et afficher le degré d’unité le plus fort possible. Au lieu de dépenser de manière désunie et disproportionnée dans le domaine militaire, les Etats arabes feraient mieux de se concentrer sur leur stabilité interne, investir dans le développement et lutter contre les causes de l’extrémisme. Selon Bassima Alghussein et Jeffrey Stacey (Council on Foreign Relations), l’Arabie Saoudite et ses alliés ont fait une grave erreur dès le début de la crise, en imposant au Qatar un blocus économique qui le pousse dans les bras de l’Iran au lieu de l’en éloigner et qui affaiblit le Conseil de Coopération du Golfe.

Par ailleurs, Ben Fishman (WINEP) met en évidence le lien entre cette crise et la guerre civile libyenne dans laquelle les pays du Golfe mènent une guerre par procuration. L’expert estime que le secrétaire d’Etat américain, dans le cadre de sa médiation dans le Golfe, devrait demander à tous les acteurs concernés de soutenir le processus de paix menée par l’ONU en Libye. Plus particulièrement Rex Tillerson devrait exiger du Qatar qu’il cesse de soutenir ses alliés en Libye, et demander aux Emirats arabes unis de s’assurent que le général Haftar se mette en retrait le temps des négociations menées par l’ONU.

PUBLICATIONS A SIGNALER

·         The American President in Paris: Trump and Macron Elevate Each Other’s Stature – CSIS (11 juillet)

·         French Chief of Defense’s Resignation a Difficult Start for Macron – GMF (19 juillet)

·         Trump must withdraw from Iran nuclear deal — now – AEI (12 juillet)

·         Transcription de la conversation avec Mohammad Javad Zarif – CFR(17 juillet)

·         America’s real enemy: The Salafi-jihadi movement – AEI (18 juillet)

·         Artificial Intelligence and National Security – CNAS (12 juillet)

Réalisation : Isabelle Cavé / Service de presse et communication – Ambassade de France à Washington