Les banques américaines lorgnent le magot des prêts étudiants

 

Estimée à 1.400 milliards, la dette des étudiants américains est gérée par l’Etat.
Donald Trump réclame le retour des banques privées.

Les banques ont décidément tout à gagner de l’élection de Donald Trump : le nouveau président, qui prendra ses fonctions le 20 janvier prochain, leur a non seulement promis d’alléger la réglementation imposée depuis 2009 (loi Dodd-Frank), mais il leur fait miroiter un marché de taille, devenu largement inaccessible ces dernières années : celui de la dette étudiante. Il représente l’équivalent de 1.400 milliards de dollars, soit beaucoup plus que les autres formes de crédit (prêts automobiles, crédits à la consommation).

Mais ce n’est pas sa taille qui le distingue le plus : contrairement aux autres activités de crédit, il fait l’objet d’un quasi-monopole de la part de l’Etat fédéral, celui-ci générant 93 % des prêts.

Voulue par Barack Obama, cette intervention de l’Etat avait un double objectif : celui de protéger les étudiants contre la loi du marché et de leur assurer un accès égalitaire au crédit, quel que soit leur profil, mais aussi celui de générer des revenus pour l’Etat, permettant de financer sa très coûteuse réforme de l’assurance-maladie notamment (Obamacare).

Un marché qui suscite les convoitises

La donne promet de changer avec l’élection de Donald Trump. Il estime que l’Etat n’a rien à faire sur ce marché et préconise le retour des banques privées. Loin des préoccupations autour de l’égalité des chances, il estime que les établissements financiers doivent mieux analyser les « futurs revenus des étudiants » avant de leur accorder un prêt. Le Parti républicain, qui domine le Congrès, est sur la même ligne et veut redonner à Wall Street son rôle de prêteur. C’est une aubaine pour Sallie Mae, Wells Fargo et Discover – les trois plus gros prêteurs privés, qui ne se partagent aujourd’hui qu’une toute petite partie du marché (7 %). Les investisseurs ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, qui ont fait bondir de 55 % le cours de Bourse de Sallie Mae depuis l’élection.

C’est aussi une excellente nouvelle pour tous ceux qui n’ont aucun accès au marché aujourd’hui, tels JP Morgan, US Bancorp et même Amazon, qui a vainement tenté une première incursion cet été au côté de Wells Fargo.

Si ce marché suscite autant de convoitise, c’est parce qu’il explose : le total des encours a triplé en dix ans (à 1.400 milliards de dollars), sous l’effet de l’explosion du coût des études supérieures. Les citoyens des Etats-Unis sont plus de 40 millions à être liés par un prêt étudiant, soit 11 millions de plus qu’il y a sept ans. Leur dette s’élève à 32.000 dollars en moyenne, soit deux fois plus qu’il y a dix ans !

Il n’est pas certain que la réforme voulue par Donald Trump profite aux étudiants. Et pour cause : l’Etat consent ses prêts au taux fixe de 3,76 %, là où les organismes privés proposent 13,74 % en moyenne.

Les étudiants les plus précaires héritent des conditions les moins favorables, alors qu’ils sont ceux qui peuvent le moins se le permettre. Et ce n’est pas tout : les prêts fédéraux sont assortis d’un ensemble de protections, comme l’allongement des échéances ou leur suspension temporaire en cas de difficultés financières, ce que ne proposent pas les établissements de Wall Street.

Lucie Robequain, Les Echos, 30/12/2016