La Caisse des dépôts accélère sur le numérique

L’institution publique et ses filiales se mobilisent pour participer à la transition numérique des territoires français. Exemple à Toulouse et sa région.

La « vieille dame » de la rue de Lille à Paris aime les jeunes pousses du numérique. Surtout connue pour son rôle de financement du logement social, la Caisse des dépôts et consignations (CDC), qui a fêté son bicentenaire l’an dernier, est devenue depuis le début des années 2000 un acteur majeur de la transformation numérique de l’économie.

En novembre, elle a ainsi organisé un forum sur les « Smart Cities » – ou « villes intelligentes » –, un concept que l’on peut traduire par l’utilisation des technologies numériques pour répondre aux besoins des collectivités locales. La CDC y a exposé sa vision d’une gestion donnant « toute sa place à l’humain et aux habitants ». Et elle a dévoilé une offre « globale », réunissant ses nombreuses filiales – une première pour le groupe –, qui devrait s’exprimer dans huit « démonstrateurs » dévoilés pour l’occasion : six dans des métropoles régionales (Besançon, Bordeaux, Lyon, Nantes, Nice, Toulouse) et deux à Paris.

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Une navette sans chauffeur pour de courtes distances

Concrètement ? À Toulouse, la Caisse des dépôts axe son intervention sur les questions de mobilité. Sa filiale spécialisée, Transdev, soutient par exemple la start-up toulousaine EasyMile, fondée en 2014 par le fabricant automobile Ligier Group, et la société de robotique Robosoft. Spécialisée dans le transport collectif courtes distances, cette société a mis au point une navette sans chauffeur, l’EZ10, qui circule déjà à l’étranger (en Finlande et aux Pays-Bas) et qui est en phase d’essai à Paris avec la RATP. À Toulouse, des tests devraient être opérés sur plusieurs sites fermés et semi-ouverts.

« Nous allons l’expérimenter en fonction des besoins et des souhaits de la municipalité, explique Thierry Ravot, directeur régional Occitanie de la Caisse des dépôts. C’est d’ailleurs la philosophie générale de toutes nos interventions : prendre en compte les contraintes de la ville et essayer de nous adapter, avec une stratégie définie et proposée en fonction des demandes. »

Soutenir des projets variés dans les « smart cities »

Ce projet n’est pas la seule participation de la Caisse des dépôts à la démarche « ville intelligente » de Toulouse. D’autres objectifs ont été inclus à la convention signée en novembre par le groupe public et par la municipalité. La Société nationale immobilière (SNI), filiale de la CDC, doit ainsi expérimenter une interface sur tablette ou smartphone qui permettra de mieux comprendre les usages des locataires de logements sociaux, notamment en matière de consommation d’énergie. « Avec un enjeu de généralisation, par la suite, sur le parc à venir », précise Thierry Ravot.

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Autre exemple, Egis, filiale spécialisée dans l’ingénierie, accompagne la municipalité dans son projet de plate-forme de données publiques ouvertes, en apportant son expertise sur la sécurisation et la fiabilité des données. La société est également impliquée dans la gestion des systèmes de surveillance des risques d’inondation de la Garonne.

« Nous projetons d’investir 500 millions d’euros d’ici à 2020 sur des projets “Smart City”, souligne Bertrand Serp, adjoint au maire et vice-président de Toulouse Métropole chargé de l’innovation. Mais, pour certaines études ou expérimentations, nous ne pouvons pas tout financer. Nous espérons l’apport de 200 millions d’euros supplémentaires par des partenaires, notamment de la Caisse des dépôts. »

Développer les start-up de l’Internet des objets

La stratégie numérique du groupe public s’étend aussi aux entreprises, surtout en Occitanie où bouillonnent les start-up. Filiale à 50 % de la CDC, la Banque publique d’investissement Bpifrance a soutenu près de 7 000 entreprises dans la région en 2015, pour une intervention totale de 1,45 milliard d’euros.

Toutes n’innovent pas dans le champ numérique, mais elles sont très nombreuses à le labourer. Exemple le plus emblématique : Sig­fox, la pépite toulousaine qui se rêve en géante mondiale des objets connectés, après une levée de fonds de 100 millions d’euros en 2015, puis de 150 millions d’euros l’an dernier. L’apport de Bpifrance reste confidentiel, mais l’organisme ne voulait pas manquer de s’atteler à une licorne (1) potentielle.

« La Caisse des dépôts intervient pour soutenir les conditions d’implantation d’IoT Valley (2), un écosystème tourné vers l’innovation autour des objets connectés », explique Thierry Ravot. Implanté à Labège, aux portes de Toulouse, il regroupe déjà une cinquantaine de start-up et 500 emplois. Mais l’ambition est bien plus élevée à l’horizon 2020, avec la perspective d’installation de grands groupes et de 1 500 start-up sur un campus de 90 000 m2 rassemblant 5 000 personnes.

Des projets pour les villes, quid des territoires ruraux ?

IoT Valley, Smart City, label « French Tech »… La Caisse des dépôts déploie son offre multi-service et entend plus que jamais jouer un rôle d’incitateur. Reste que cet emballement numérique peut sembler concentré sur les seules grandes villes. « Sauf que si une ville sait être audacieuse, elle pourra porter ses expérimentations sur les territoires », souligne Thierry Ravot.

En attendant, le directeur régional préfère évoquer un autre enjeu majeur pour nombre de zones rurales en Occitanie : le déploiement des réseaux d’initiative publique (RIP), destinés à améliorer la couverture numérique des territoires que financent les collectivités locales dans le cadre du plan France haut débit. La région est très en retard en la matière, notamment dans des départements comme l’Aveyron, le Lot ou la Lozère. La facture finale devrait largement dépasser un milliard d’euros.

La Caisse des dépôts, grâce à ses prêts sur des durées dépassant les quarante ans, sera largement sollicitée. Une implication essentielle : selon une de ses études, les territoires équipés profitent d’un effet sur l’emploi équivalent à 0,5 point de chômage.

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► La Caisse des dépôts, une institution qui a fêté ses 200 ans

1816. Création de la Caisse des dépôts, par la loi du 28 avril 1816 (article 110).

1822. La Caisse accorde son premier prêt au développement territorial, pour l’aménagement du port de Dunkerque.

1837. Le Parlement décide que les fonds collectés par les Caisses d’épargne locales doivent être centralisés et employés par la Caisse des dépôts.

1850. La Caisse se voit confier la gestion de la première Caisse des retraites pour la vieillesse. Elle devient un important investisseur. Entrée au capital des Sociétés de chemin de fer.

1905. Premiers crédits au logement social.

1954. Création de la première filiale, à l’hiver 1954, pour répondre à la pénurie de logements : la Société centrale immobilière de la Caisse des dépôts, devenue Icade.

1994. Lancement de PME Innovation, un programme de capital investissement dans les PME.

2013. Création de Bpifrance.

Jean-Luc Ferré, à Toulouse

(1) Start-up hautement valorisée
(2) Internet of Things, ou Internet des objets.

 

La Croix 06/03/2017