Crise en Guyane : cinq graphiques pour comprendre la colère

Le gouvernement s’est opposé à la demande du collectif Pou Lagwiyanne dékolé d’une aide immédiate de 2,5 milliards d’euros. En réponse, plusieurs milliers de manifestants ont convergé vers le centre spatial mardi 5 avril, d’où décollent les fusées européennes Ariane. Comment en est on arrivé à un tel blocage ? Retour en cinq chiffres sur la situation économique et sociale de ce territoire.

La colère ne cesse de monter en Guyane. Après plusieurs semaines de grève et de blocage, le mouvement social d’une ampleur inégalée est amené à se poursuivre après le refus du gouvernement de débloquer la somme de 2,5 milliards d’euros ce lundi 3 avril. Une manifestation importante a eu lieu ce mardi sans issue favorable et des manifestants sont allés occuper le centre spatial pour affirmer leur « détermination » à obtenir les moyens financiers réclamés à l’État pour rattraper des décennies de sous-investissements, selon leur porte-parole. Le gouvernement doit valider un plan d’aides ce mercredi en conseil des ministres.

Le chômage, deux fois supérieur au taux national

Le taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) s’élève à 22% de la population active contre près de 10% pour la France métropolitaine.

Le taux de chômage chez les jeunes est particulièrement inquiétant. Il a atteint 46,5% en 2015 contre 24 % pour l’ensemble de 15-24 ans en métropole selon les dernières données de l’Insee. Les femmes sont également frappées par le chômage. Il s’élève à 26,6% pour cette catégorie et atteint des records (54,8%) chez les jeunes femmes âgées de 15 à 24 ans.

Un revenu par habitant deux fois moins élevé qu’en métropole

La pauvreté et les faibles revenus minent également le quotidien des Guyanais. Selon des données de l’Institut d’Emission des départements d’outre-Mer (Iedom), le PIB par habitant s’établit à 15.513 euros,soit environ deux fois moins qu’en France métropolitaine (30.782 euros).

Selon le directeur de l’IEDOM en Guyane Fabrice Dufresne, « l’économie guyanaise est restée atone pendant l’année 2015 même si quelques signes d’amélioration ont été observés […]La situation de l’emploi reste sous tension ». Et les mobilisations actuelles laissent penser que la situation du marché du travail ne s’est pas améliorée.

Un IDH inférieur à Trinidad et Tobago et au Brésil

Sur la base du classement mondial de de l’indicateur de développement humain (IDH*) calculé par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), la Guyane se place en dessous du Brésil, de Trinidad et Tobago et de la moyenne de l’Amérique latine et des Caraïbes.

La France métroplitaine et le Chili comme la Guadeloupe et la Martinique se placent dans des indices à « développement humain très élevé ». Sur l’ensemble des 186 pays qui figurent sur la liste établie en 2014, la France occupe le 22ème rang, le Brésil le 75ème et la Guyane 124ème entre la Micronésie et le Nicaragua.

Des écarts de prix importants

Le coût de la vie fait également partie des motifs de revendication des Guyanais. Selon un rapport de l’Insee publié en 2016, le niveau général des prix à la consommation est plus élevé dans les départements d’outre-mer (DOM) qu’en France métropolitaine. Il est supérieur de 12,5% en Guadeloupe, 12,3% en Martinique, 11,6% en Guyane, et 7,1% à La Réunion. Si pour la Guyane les écarts de prix ont diminué avec la métropole depuis 1985, ils restent très élevés pour les produits alimentaires. »En 2015, en prenant comme référence le panier métropolitain, les prix sont en moyenne supérieurs à ceux de la métropole de 45 % en Guyane ».

Ecarts de prix basés sur une comparaison DOM/ métropole (panier métropolitain)

Ces écarts peuvent notamment s’expliquer par la taxation des produits importés. La taxe de mer ou l’octroi de mer qui existe depuis le XVIIème siècle permet d’appliquer une fiscalité spécifique sur certains produits comme le tabac, l’alcool ou le bois. Ce système a été réformé en 2015 pour « clarifier et étendre le système d’exonérations » comme le souligne le site des douanes.

Une délinquance plus marquée en Guyane

La Guyane est particulièrement touchée par la délinquance et les problèmes d’insécurité sont régulièrement soulevés lors des mobilisations actuelles. Selon une enquête du ministère de l’Intérieur réalisée en 2016,  la Guyane affiche un taux de vols violents sans arme 4 fois plus élevé que la moyenne métropolitaine. La région avait recensé en 2015 1.500 vols violents sans arme en 2015, soit 6,3 pour 1 000 habitants. En France métropolitaine ce taux s’élève à 1,5 pour 1.000.

En 2015, les forces de l’ordre ont enregistré 666 vols avec armes (armes à feux, armes blanches) en Guyane. Rapportés à la population, ces actes sont 13 fois plus élevés qu’en France métropolitaine (2,7 pour 1.000 habitants en Guyane contre 0,2 pour 1.000 en France).

Lecture : 2,7 vols avec armes ont été enregistrés en Guyane pour 1 000 habitants en 2015.

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(*) Selon l’institut national d’études démographiques, l’IDH intègre :
· l’espérance de vie à la naissance (qui donne une idée de l’état sanitaire de la population du pays),
· le niveau d’instruction mesuré par la durée moyenne de scolarisation et le taux d’alphabétisation,
· le P.I.B. par habitant, calculé en parité de pouvoir d’achat (c’est-à-dire en montant assurant le même pouvoir d’achat dans tous les pays) ; le P.I.B. par habitant donne une indication sur le niveau de vie moyen du pays.
L’IDH se présente comme un nombre compris entre 0 et 1. Plus l’IDH. se rapproche de 1, plus le niveau de développement du pays est élevé.

Grégoire Normand
La Tribune 06/04/2017