Data centers à Paris : passer du fléau à l’aubaine

La ville et des entreprises testent des technologies pour valoriser la chaleur dégagée par les fermes de données et chauffer une piscine ou des logements.

Les conflits de voisinage entre les Parisiens et les data centers deviennent concrets et la ville commence à tester des réponses. L’an dernier, un collectif de riverains du quartier du Sentier fait part de sa colère après l’installation d’un tel équipement rue Poissonnière. Sur le toit du bâtiment, un système de ventilation fonctionne 24h/24 pour refroidir les serveurs de l’entreprise Zayo. Les nuisances sonores sont estimées à six fois le seuil autorisé par le Code de l’environnement. Une procédure judiciaire a été engagée contre la société.

Le problème risque de s’aggraver. En 2015, le cabinet Gartner estimait le volume de données disponibles sur Internet à huit zettaoctets (un zettaoctet = un milliard de teraoctets), soit l’équivalent de 250 milliards de DVD. D’ici à 2020, ce chiffre devrait être multiplié par six . De plus, la taille moyenne d’un data center a décuplé en dix ans, passant de 1.000 mètres carrés à 10.000 pour les installations les plus récentes, selon une étude de l’Institut d’urbanisme d’Ile-de-France (IAU-IDF).

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Un tiers des fermes de données françaises sont installées en région parisienne, plus particulièrement à Paris et en Seine-Saint-Denis. Elles sont attirées par une puissante alimentation électrique du territoire, une bonne desserte en transport, une situation géographique protégée des catastrophes naturelles et la proximité avec les clients.

Chauffer la ville

Depuis quelques années, les entreprises sortent des innovations pour limiter ces contraintes, voire même en tirer profit. La ville de Paris, qui de son côté cherche à réduire son empreinte carbone, a lancé un appel d’offres pour tester une telle approche dans ses piscines. C’est ainsi que l’entreprise française Stimergy a été retenue pour installer des serveurs dans le sous-sol du bassin de la Butte aux Cailles, dans le 13e arrondissement, le système permettant de récupérer la chaleur des ordinateurs XXL pour chauffer l’eau de la piscine.

L’objectif est de valoriser, toute l’année, la chaleur des data centers. « Les ordinateurs sont plongés dans des bains d’huile qui récupèrent la chaleur avant de la transférer, par un jeu d’échangeurs thermiques, dans le bassin », résume Christophe Perron, PDG et fondateur de Stimergy. « Ce système permet de diviser par deux l’électricité nécessaire au fonctionnement des data centers et d’économiser sur l’énergie nécessaire au chauffage de l’eau », poursuit le chef d’entreprise.

La société Qarnot Computing, créée en 2010, a développé des radiateurs électriques numériques (Q.rad) équipés de microprocesseurs. « La consommation électrique des processeurs dégage de la chaleur qui permet de chauffer les appartements », explique Paul Benoît, cofondateur de Qarnot. Dans l’immeuble de la rue Balard à Paris (15e), 101 logements sont équipés des Q.rad. « C’est une solution innovante et économique pour les locataires qui ne paient pas les frais de chauffage », selon Mehdi Chaabane, chef de projet innovation chez le bailleur social RIVP, en charge de l’immeuble.