Les «charter schools», des écoles «autonomes» encouragées par Trump

Plus de trois millions d’élèves américains sont scolarisés dans ces établissements financées par l’argent du contribuable, mais qui sont administrées par des organismes privés, parfois à but lucratif.

En France, les écoles privées hors contrat (sans lien avec l’Education nationale, à la différence du privé sous contrat d’association), aujourd’hui peu nombreuses, pourraient connaître un essor à l’issue de cette présidentielle. Des lobbies s’activent en coulisse depuis des mois. Si certains candidats restent flous sur leurs intentions (Emmanuel Macron ou Marine Le Pen), François Fillon est le seul à se dire ouvertement prêt à «soutenir» le développement de ces écoles qui ne sont pas tenues de respecter les programmes officiels. Un premier pas vers le modèle anglo-saxon ? Eclairage sur les «charter schools» américaines. Peu après son investiture, le président Trump a annoncé vouloir doubler le budget consacré à ces écoles autonomes.

«Comme en business, les mauvaises écoles ferment.» En août, le plaidoyer contre les «charter schools» de John Oliver, star britannique des «late shows» américains, fait mouche. Il enrage les défenseurs de ce concept, ravit ses détracteurs. Si de plus en plus de ces établissements hors contrat, du primaire au lycée, ouvrent – 6 900 en tout dans le pays en 2016 –, d’autres ont fermé, près de 2 500 entre 2001 et 2013 selon l’ONG Center for Media and Democracy.

La première charter school a ouvert dans le Minnesota au début des années 90. L’objectif, offrir aux parents une alternative entre écoles publiques sectorisées et établissements privés hors de prix. N’importe quel enfant peut en principe rejoindre ce type d’établissement, où il n’y a pas de frais d’inscription ni de discrimination sociale. Les «public charter schools» sont dites «publiques» car financées par l’argent du contribuable. En fait, elles sont administrées par des organismes privés, parfois à but lucratif. Autonomes, elles s’affranchissent de nombreuses règles imposées aux écoles publiques traditionnelles.

Des écoles plus mixtes socialement et racialement

Tous les trois ou cinq ans, on vérifie leur réussite financière et éducative. Si ça ne va pas, elles ferment, parfois en plein milieu d’année scolaire, laissant de nombreux élèves sans école. Mais statistiquement, ces écoles ont la cote. En 2003, moins d’un million d’élèves y étaient inscrits. Ils sont 2,5 millions dix ans plus tard, soit 5% des élèves des écoles publiques. Plus de trois millions en 2016. Les écoles sont nombreuses dans les centres urbains, et plus mixtes socialement et racialement que les établissements publics : 35% des élèves sont blancs, 30% hispaniques et 27% noirs.

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Politiquement, c’est un thème qui dépasse les clivages. Les présidents Clinton, Bush et Obama ont soutenu leur développement, mais avec Donald Trump, on entre dans une nouvelle dimension. Il veut investir 168 millions de dollars (157 millions d’euros) supplémentaires pour ces écoles dans le prochain budget fédéral, soit une hausse de 50% par rapport à l’administration précédente. Pas étonnant pour celui qui veut gérer la chose publique comme un business. Sa ministre de l’Education, la milliardaire Betsy Devos, est d’ailleurs la championne des «charter schools» dans l’Etat du Michigan.

Les enfants jouent leur place à la loterie

Mais le concept déplaît aussi, notamment aux professeurs. Libres d’engager qui elles veulent, ces écoles recrutent peu d’enseignants syndiqués. Quand il y a trop de demandes d’inscription, les enfants jouent leur place à la loterie. Et souvent, les bus scolaires ne viennent pas les chercher à domicile, même si l’école est loin, ce qui favorise les familles aisées. Côté gestion, les détracteurs de ces établissements hors contrat pointent du doigt l’absence de transparence sur la gestion de l’argent public et le manque de contrôle des administrateurs. Dans le Michigan, 80% de ces derniers étaient des groupes à but lucratif.

Les performances éducatives font également débat: toujours dans le Michigan, une enquête d’un journal local a montré que les élèves des «charter schools» ont de moins bons résultats que dans le public. Mais une étude de l’université de Stanford en 2015 a en revanche montré que celles qui sont situées dans les centres urbains obtiennent, en moyenne, de bien meilleurs résultats en maths et en lecture que dans le public. En fait, comme souvent aux Etats-Unis, les règles et les résultats sont à scruter Etat par Etat.

Frédéric Autran correspondant à New York

Libération 20/04/2017