Quand les salariés du web saturent d’Internet

Internet fatigue. Selon une étude, près de 42% des professionnels du digital envisageraient de quitter ce milieu qu’ils aiment tant critiquer… tout en l’aimant profondément. Explications.

«Je t’aime, moi non plus», semblent dire les professionnels du web à leur principal outil de travail. C’est ce que révèle une étude menée par RégionsJob auprès de 1258 actifs travaillant dans les métiers «du digital». Bien qu’ils apprécient globalement leur situation, un grand nombre d’entre eux envisage de changer d’entreprise ou de se reconvertir: 70% pensent changer d’entreprise d’ici 2 ans, 86% d’ici 5 ans. Ce n’est pas une nouveauté: dans les métiers du web, les collaborateurs ne font pas carrière au sein de la même structure… C’est un secteur où l’on a la bougeotte.

L’envie de bouger se transforme de plus en plus – c’est la grande tendance – en une envie de «quitter Internet» et se lancer dans une activité complètement différente. Ainsi, 42% des répondants envisagent une reconversion vers un métier n’ayant aucun rapport avec le web: 10% d’entre eux y réfléchissent dès aujourd’hui, et 32% imaginent une reconversion à plus long terme. Par ailleurs, 26% estiment qu’ils exercent un «bullshit job». Cette tendance touche l’ensemble des professionnels du digital, quel que soit leur métier, leur genre et leur lieu de travail. «La question du sens du travail n’a jamais été aussi importante, confirme Anthony Poncier, associé Publicis Consultants et fin connaisseur des métiers du web. Créer du like ne fait pas spécialement avancer le schmilblick. C’est pour cela que de nombreux cadres veulent aujourd’hui faire quelque chose de leurs mains.»

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Selon des chiffres dévoilés par l’Apec, 14% des jeunes diplômés de niveau bac+5 ou plus auraient opté pour une réorientation professionnelle dans les deux ans suivant l’obtention de leur diplôme. Environ 7000 d’entre eux choisiraient chaque année de se tourner vers les métiers de l’artisanat.

La tendance est au «web bashing»

Cependant, couper «le cordon» avec le web est chose complexe. Pourquoi? Pour la simple et bonne raison que les professionnels du web aiment leur métier et sont heureux au travail, dans 61% des cas! SEO, SEA, Community managers, designers, développeurs… 84% d’entre eux sont satisfaits de leur quotidien, malgré certaines réserves concernant leurs perspectives d’évolution – pour 36% d’entre eux – et la rémunération, pour 49% des sondés. Mais c’est aussi en matière de management que le bât blesse: près d’un professionnel sur deux s’estime stressé quotidiennement par une charge de travail trop importante, des objectifs trop élevés, les conflits avec sa hiérarchie, ou… la nécessité d’être connecté en permanence. Nous y revenons.

«Quitter Internet» et détester le web est dans l’air du temps. «Le web bashing est de plus en plus visible, parce que nous nous rendons compte de la place très oppressante du digital dans nos vies, observe Anthony Poncier. Il faut y réfléchir et intégrer la notion de bon sens dans nos usages… Mais soyons réaliste: Internet n’est pas l’égoût du monde.» Quant au ras-le-bol des métiers du digital, il faut également se poser une question essentielle: que met-on exactement derrière «digital»? Le terme est de plus en plus utilisé pour tout et n’importe quoi, et est devenu galvaudé.

«Selon l’environnement de travail, le quotidien change. Exercer le même métier dans une start-up et dans un grand groupe n’a rien à voir, précise Anthony Poncier. Il est plus facile de se sentir utile et impliqué dans le premier cas que dans le second.» Mais la question du sens demeure essentielle. Se sentir utile et impliqué dans son travail ne signifie pas forcément que ce dernier a du sens…

Le Figaro 07/07/2017