A Dijon, Bouygues et EDF créent la ville intelligente de demain

L’ensemble des services publics sera piloté à distance depuis un centre que les citoyens pourront alerter.

Sous la houlette de son président, François Rebsamen, Dijon Métropole se lance dans la ville… supérieurement intelligente. Ou, plus exactement, la ville intelligente de deuxième génération.

La décision sera annoncée ce jeudi. Selon nos informations, après deux ans de dialogue compétitif, c’est finalement le consortium réunissant Bouygues et la filiale d’ EDF, Citelum, en partenariat avec avec Suez, déjà gestionnaire de l’eau de Dijon, qui a été retenu pour donner aux 24 communes de la métropole une organisation futuriste.

L’appel d’offres a été âprement disputé. Engie et Bouygues tenaient la corde, mais Vinci et Eiffage étaient aussi en lice. L’enjeu n’était pas tant le montant de ce contrat de douze ans (120 millions d’euros) que le caractère novateur du projet. Il constituera, s’il tient ses promesses, une référence pour les entreprises le réalisant.

Pilotage en temps réel

Transport, éclairage, eau, feux rouges, bornes d’accès au centre-ville, sécurité… : via la connexion des objets, des véhicules géolocalisés (bennes à ordures, véhicules de police, etc.) et des caméras, les données numériques de fonctionnement de l’ensemble des services publics remonteront en temps réel dans un centre de commandement unique.

Une équipe d’opérateurs mixant public et privé, sous la direction d’un représentant de la police municipale, pilotera à distance et en temps réel la métropole et déclenchera les interventions. Les citoyens deviendront acteurs de la gestion de la ville, priés d’alerter le centre sur tout problème aperçu (encombrant dans la rue, bouche d’incendie ouverte, etc.). Ils seront tenus informés de sa résolution. Le poste de commandement pourrait démarrer à court terme, de l’ordre d’un an après la signature de ce contrat de conception, réalisation, exploitation et maintenance. En revanche, il faudra plusieurs années pour réaliser un autre volet du projet : le remplacement des 37.000 points lumineux de l’éclairage public par des LED et le déploiement du réseau à haut débit. Les LED généreront des économies de facture d’énergie aidant au financement du projet de « smart city ». La métropole espère aussi que ce mode de pilotage abaissera ses coûts.

La gestion sera plus réactive mais la vraie révolution, à terme, pourrait être sociétale. Car les élus veulent ouvrir les vannes de l’information. Les citoyens n’auront pas seulement de nouvelles applications sur smartphone, facilitant leur mobilité ou leurs démarches administratives. Ils auront accès aux données de gestion de la ville. A l’exception des données personnelles permettant d’identifier un individu, toutes seront librement accessibles. « C’est sûrement le plus grand enjeu du projet et, pour les élus, un sujet très sensible, explique un proche du dossier. Imaginez, par exemple, une crèche affichant complet et refusant des enfants. Si tout le monde voit ultérieurement qu’en réalité elle a des places vacantes, et donc que sa gestion dysfonctionne, cet accès à l’information peut se retourner contre les élus… »

Encore faut-il que des développeurs créent des applications grand public exploitant ces données, incompréhensibles en l’état. La métropole sera propriétaire des données remontées et compte donner gratuitement accès à au moins une partie d’entre elles (certaines pourraient être payantes) pour la création d’applications grand public. A charge pour les entreprises de les rentabiliser, sachant qu’elles seront pertinentes sur d’autres projets de villes intelligentes. « C’est la définition même de la ville intelligente de deuxième génération : elle inclut le citoyen, qui devient juge et acteur », explique Gilles Babinet, un des experts du sujet. Certains y verront une avancée de la démocratie participative, d’autres une évolution inquiétante. Dans tous les cas, Dijon Métropole défriche.

Les Echos 06/09/2017