Comment se mesure l’impact des divers gaz à effet de serre

CO 2 , méthane, halocarbures… Les gaz à effet de serre sont nombreux. Leur pouvoir d’absorption et leur durée de vie caractérisent leur rôle dans le réchauffement climatique.

L’effet de serre et les gaz qui le favorisent : on en parle beaucoup, mais sans toujours savoir de quoi il retourne. A force d’être présenté comme une conséquence – désastreuse pour le climat mondial – de l’incurie des hommes, on en oublierait presque que l’effet de serre est d’abord et avant tout un processus naturel, engendré par la vapeur d’eau – de loin le plus abondant de tous les gaz formant une « barrière » autour de la surface du globe et permettant ainsi de retenir la chaleur renvoyée par la Terre. Sans cet effet de serre naturel, la température moyenne au ras de notre planète serait de – 18 °C et aucune vie n’aurait pu y fleurir.

En comparaison de cet énorme effet de serre naturel, bénéfique et stable dans le temps, l’effet de serre anthropique, produit par les gaz que l’humanité relâche dans l’atmosphère pour assouvir ses besoins en énergie, n’est qu’un poids plume. « L’effet de serre naturel représente une puissance de 150 watts par mètre carré. Si l’on doublait la quantité de dioxyde de carbone présent dans l’atmosphère, cela n’entraînerait qu’un flux thermique supplémentaire de 4 watts par mètre carré », relativise le climatologue Hervé Le Treut. Mais c’est pour ajouter aussitôt : « Cependant, ces 4 watts de plus suffiraient à élever la température moyenne de quelques degrés et à bouleverser le système climatique mondial. »

De tous les gaz à l’origine de l’effet de serre anthropique, le dioxyde de carbone (CO2) se taille la part du lion en termes de quantités relâchées annuellement – plus des trois quarts. Ces émissions proviennent pour l’essentiel de la combustion des énergies fossiles (pétrole, charbon), à laquelle s’ajoutent la déforestation et le changement d’occupation des terres. Des poumons verts comme le bassin amazonien ou la forêt indonésienne capturent d’énormes quantités de dioxyde de carbone. Mais elles se réduisent comme peau de chagrin, et c’est autant de CO2 qui, n’étant pas absorbé par la végétation, finit dans l’atmosphère. « La déforestation à son rythme actuel se traduit par un relargage annuel de 1 milliard de tonnes de carbone, soit 4 milliards de tonnes de CO2 », précise Hervé Le Treut. Pour l’agriculture, le bilan est plus compliqué à établir. « Certaines plantes cultivables renforcent la capacité de stockage des sols en CO2, d’autres l’amenuisent », explique le climatologue.

Equivalent CO2

Mais le dioxyde de carbone n’est pas le seul gaz à effet de serre. Il n’est pas non plus le plus absorbant, c’est-à-dire celui dont l’effet de serre est le plus fort. Le méthane (CH4), qui provient de différentes sources telles que l’élevage intensif ou les cultures rizicoles, est 100 fois plus absorbant que le CO2 (et cela ne fait pas pour autant de lui le plus puissant de tous les gaz à effet de serre : certains halocarbures – ces gaz synthétiques, n’existant pas à l’état naturel, qu’on trouve notamment dans les systèmes de réfrigération et de climatisation – sont plusieurs milliers de fois plus absorbants que le CO2 !). Fort heureusement pour le climat mondial, le pouvoir d’absorption accru du méthane, deuxième gaz à effet de serre en termes d’émissions, est partiellement compensé par sa plus forte volatilité. Alors que, au bout de cent ans, la moitié d’une quantité de CO2 donnée reste présente dans l’atmosphère, pour le méthane, cette demi-vie n’est que d’une douzaine d’années.

Pour tenir compte de ces deux paramètres, pouvoir d’absorption et durée de vie dans l’atmosphère, les climatologues font une péréquation qui aboutit à transformer chaque gaz à effet de serre (méthane, protoxyde d’azote, halocarbures…) en un « équivalent CO2 ». Celui-ci représente le poids relatif de tel ou tel gaz sur le réchauffement global à horizon de cent ans. Si on ne considérait que le pouvoir d’absorption, cet équivalent CO2 pour le méthane vaudrait 100, puisqu’il est 100 fois plus absorbant. Mais comme il est aussi plus évanescent, et qu’on mesure l’effet à long terme, l’équivalent CO2 du méthane vaut en réalité beaucoup moins (un peu moins de 20).

« Cette métrique a fait l’objet de longs débats et reste aujourd’hui contestée par une partie des climatologues, puisqu’elle tend à majorer le poids relatif des gaz persistants dans le réchauffement global et à minorer celui des gaz volatils », note Hervé Le Treut. On le voit : en matière de réchauffement, il n’y a pas que les solutions qui sont ardues ; le diagnostic l’est aussi !

Les Echos 23/10/2015