Air France propose un « new deal » à ses personnels navigants

La compagnie française évoque la mise en place de trois contrats de travail différents, conditionnant la rémunération à la productivité.

TRANSPORTS Après plusieurs semaines de tension autour du plan de compétitivité Perform 2020, Air France souhaite que les négociations avec ses différentes catégories de personnel entrent dans une phase concrète. D’autant que le travail préparatoire a été mené en amont et que plusieurs pistes de réflexion sont sur la table. À l’instar de l’instauration de trois contrats de travail conditionnant la rémunération à la productivité. « Dans le premier, le salarié accepte d’atteindre la productivité demandée, son salaire reste identique à celui d’aujourd’hui. Dans le deuxième, il travaille encore plus mais gagne plus. Dans le troisième, enfin, il peut refuser de suivre cette hausse de la productivité, mais alors sa rémunération diminue », a expliqué Xavier Broseta, DRH d’Air France, dans un entretien au Parisien, paru lundi. Il s’agirait de mettre en place un « contrat type », un « contrat plus » et un « contrat allégé ».

Cette proposition, qui concerne les pilotes, pourrait être étendue aux hôtesses et stewards, s’ils sont intéressés. Autre proposition de la direction d’Air France, coller davantage aux desiderata des personnels navigants en matière de maîtrise de leur planning, grâce à des logiciels ad hoc que d’autres compagnies utilisent déjà.

Individualiser le temps de travail, rémunérer en fonction des efforts réalisés, gérer les carrières : la direction d’Air France propose un « new deal » aux navigants, en particulier aux pilotes. Car, souligne-t-on de source proche de la compagnie, « le métier de pilote a beaucoup évolué ». Dès la mi-août, la direction a transmis au SNPL, le syndicat des pilotes majoritaire, un document de travail de quatre pages sur la vie du pilote. « La direction d’Air France a été une force de proposition, elle a travaillé sur des solutions novatrices. Elles doivent être versées à la négociation et co-construites avec les pilotes », souligne-t-on de source proche de la compagnie.

De son côté, le SNPL n’a pas du tout apprécié que le DRH d’Air France évoque publiquement cette piste de réflexion – la création de trois contrats de travail. « Chassez le naturel, il revient très rapidement au galop. Ce n’est pas comme ça qu’on peut travailler », a regretté Philippe Evain, président du SNPL, au micro d’Europe 1, évoquant « un vrai problème de dialogue avec cette direction ». « Encore une fois, l’obsession de la sortie médiatique prend le pas sur la mise en place d’un dialogue social apaisé et constructif, a renchéri Emmanuel Mistrali, porte-parole du SNPL. Cette proposition était déjà sur la table dans le cadre du plan A de Perform, au milieu de tout un tas de propositions. »

En ordre de bataille

À ce stade, aucun détail ne filtre. Le « contrat type » prévoit un effort de 100 heures de vol de plus pour un salaire équivalent, sachant que les salaires sont gelés depuis 2012. Pour gagner plus, les pilotes devront-ils voler 120 heures, 130 heures supplémentaires ? Davantage encore ? A contrario, quel serait l’impact sur les salaires de ceux qui refuseraient les 100 heures supplémentaires ? De 10 % ? 15 % ? Plus ? Enfin, si Air France n’est pas dans une démarche de dénonciation des accords régissant le travail des navigants – 240 au total -, l’idée est bien d’aller vers une simplification.

Face à l’exaspération du SNPL, Air France se défend d’avoir agité le chiffon rouge. Michel Sapin a mollement soutenu la compagnie, jugeant, sur France Inter, « légitime » qu’Air France demande à ses pilotes d’accepter des conditions de travail proches de celles appliquées par ses rivales européennes, Lufthansa et British Airways. Ce qui lui permettrait de réduire son écart de compétitivité (de 40 à 20 % selon les catégories de personnel) avec elles. Le ministre des Finances ne s’est en revanche pas prononcé sur les trois contrats différents.

La direction d’Air France espère négocier dès que possible afin d’être en ordre de bataille en 2017, année cruciale pour le redressement de sa compétitivité, l’évolution de la flotte, les liaisons long-courriers et la rentabilité. L’objectif est de dégager un résultat d’exploitation de 740 millions d’euros, soit 4 % de marge sur chiffre d’affaires, contre 120 millions, hors impact de la grève des pilotes, en 2014.

En l’absence d’accord – l’échéance du 30 septembre n’a pas « été tenue collectivement » – sur Perform 2020 et les nouveaux efforts demandés aux salariés, le désormais fameux plan B a été présenté, le 5 octobre, au cours d’un CCE. Il prévoit 2 900 suppressions d’emplois dont 1 823 postes parmi le personnel au sol, 890 chez les hôtesses et stewards et 280 parmi les pilotes, entre 2016 et 2017.

Les nouvelles négociations n’ont pas pour but de remettre en cause les 1 000 suppressions de postes prévues en 2016. Elles sont actées. Il s’agit de revenir au plan Perform en évitant une nouvelle réduction des capacités long-courriers (- 7 %) après celle de 3 % décidée pour 2016. Et « d’effacer ou de diminuer » les 1 900 suppressions d’emplois prévues dont certaines contraintes, en 2017. « Il est envisageable de reprendre les embauches de pilotes fin 2017-début 2018 », assure-t-on de source proche d’Air France. Et une reprise de la croissance avec des ouvertures de nouvelles liaisons.

Air France veut mettre à profit les deux derniers mois de l’année pour négocier avec toutes les catégories de personnels. Mi-novembre, elle doit engager la discussion avec les PNC dont le travail est régi par un accord déterminé, qui échoit en octobre 2016.

le Figaro 27/10/2015