Google, Facebook ou Yahoo! emploient moins de 7 % d’Afro-Américains et de Latinos. Malgré une prise de conscience du manque de diversité ethnique des équipes, la tendance est difficile à inverser.
Ces derniers temps, plus un mois ne passe dans la Silicon Valley sans qu’une entreprise ne crée un nouveau poste de « responsable de la diversité ». Après le réseau social Pinterest en janvier, c’est le site de location d’appartements Airbnb qui a nommé le sien au début du mois. Depuis deux ans, une prise de conscience sur le manque de diversité ethnique et la faible proportion de femmes a lieu dans les entreprises high-tech et Web californiennes.
Tout est parti d’un post de blog écrit à l’automne 2013 par une ingénieure de Pinterest, Tracy Chou, se plaignant que, dans une industrie si versée dans les statistiques, aucune donnée ne soit disponible sur ces sujets. Quelques mois plus tard, Google publiait ces statistiques pour la première fois. Les chiffres dévoilés étaient peu glorieux, avec 2 % d’Afro-Américains et 3 % de Latinos, alors que les premiers forment plus de 13 % de la population américaine et les seconds 17 %. Facebook, Yahoo!, Twitter et le reste des géants de la Vallée ont embrayé avec la publication de leurs propres statistiques, dévoilant des pourcentages peu ou prou équivalents.
Depuis, les chiffres n’ont presque pas évolué. Les entreprises évoquent toutes un problème de « pipeline » : l’université ne formerait pas assez de bons codeurs afro-américains ou hispaniques, selon elles. Un argument que réfutent beaucoup de spécialistes, qui reprochent à ces entreprises de ne regarder que du côté de Stanford ou du MIT pour recruter. Pour montrer leur bonne volonté, plusieurs d’entre elles ont passé des partenariats avec des « historically black colleges », ces universités créées après la guerre civile dans les anciens territoires esclavagistes, et qui restent un lieu de formation majeur pour les Afro-Américains. Google envoie par exemple ses ingénieurs enseigner sur place et recruter pour des stages d’été. Mais ces initiatives mènent rarement à de véritables embauches.
Pour arriver à des résultats concrets, quelques sociétés – comme Twitter ou Pinterest – ont passé la vitesse supérieure cet été en se fixant des objectifs précis, une approche encouragée par Tracy Chou. « Les entreprises doivent traiter la diversité comme n’importe quel autre objectif de vente : en fixant des priorités, en mesurant les résultats et en rendant des comptes sur leur réalisation », a-t-elle déclaré lors du festival South by Southwest, à Austin, il y a quelques jours.
- Pinterest souhaite ainsi atteindre 8% d’ingénieurs de « catégories ethniques sous-représentées » en 2016, tandis que Twitter se fixe un objectif de 9%
Facebook expérimente, lui, la « Rooney rule », une règle imposant de considérer au minimum un candidat issu d’une catégorie sous-représentée à chaque ouverture de poste. Appliquée par la National Footbal League à partir de 2003, elle a permis de faire passer le nombre d’entraîneurs issus de minorités ethniques de 10 % à 20 % des effectifs. Mais cette approche ne convainc pas tout le monde : les actionnaires d’Apple ont rejeté, fin février, une motion proposant d’accélérer le recrutement de minorités à la tête de l’entreprise alors que 15 de ses 18 dirigeants sont des hommes blancs.
Culture d’entreprise
Surtout, les entreprises auraient trop tendance à vouloir trouver des « solutions magiques au lieu de réfléchir à leur culture d’entreprise », explique Carissa Romero, associée chez Paradigm, une société créée il y a un an pour aider les entreprises sur ce sujet, et qui travaille avec Airbnb, Slack ou Pinterest. « Il y a beaucoup de biais inconscients dans le processus de recrutement, à travers les questions posées lors des entretiens d’embauche ou la recherche de références auprès de son cercle de connaissances », déplore-t-elle.
Une autre clef se situe du côté des fonds de capital-risque : seulement 1 % des start-up qu’ils financent sont fondées par des Noirs américains. Pour inverser la tendance, Kapor Capital, un fonds d’investissement situé à Oakland (lire ci-contre), a récemment décidé de n’investir que dans des start-up faisant de la diversité une priorité.
Les Echos 30/03/2016