Les données, nouvel eldorado pour l’entreprise connectée

La valorisation des données est de plus en plus rapide. Leur traitement exige des compétences externes.

Extraire de l’information des données, l’Ifop sait le faire. C’est même la raison d’être de l’Institut français d’opinion publique depuis sa naissance en 1938. Cela ne l’a pas empêché de se rapprocher de l’éditeur informatique Coheris pour améliorer ses prestations. Basée à Suresnes (Hauts-de-Seine), cette entreprise de 138 salariés qui réalise 13,5 millions d’euros de chiffre d’affaires édite et distribue dans 86 pays une série de logiciels spécialisés pour la gestion de la relation client à partir de l’analyse des données. « L’Ifop remet la data au coeur de sa stratégie. […] C’est pour lui une façon d’aller plus loin et de se différencier des autres instituts », résume Nathalie Rouvet Lazare, président-directeur général de Coheris.

« Nous sommes de plus en plus interpellés par nos clients sur la façon de présenter nos résultats et nos données », reprend Jérôme Fourquet, directeur du département opinion et stratégies d’entreprise de l’Ifop. « A cela s’ajoutait la nécessité de pouvoir diffuser très rapidement ces résultats en ligne, de les mettre en scène, sans avoir à passer par une structure ou un outil complexe. Or nous ne sommes pas une société de développement informatique et nous devions gagner en productivité », souligne Thomas Duhard, directeur production et d’innovation de l’Ifop. Les différents outils « sur étagère » de Coheris lui ont permis de proposer des analyses originales des résultats des dernières élections régionales, y compris en intégrant ses séries de données historiques et de mettre en évidence des facteurs insoupçonnés d’explication du vote.

Aujourd’hui, « l’être artificiel informatique acquiert la capacité à créer par lui même », confirme Laurent Piepszownik, président-directeur général du groupe Umanis. Cet expert connaît bien ce type de problématique. Après dix ans à la direction des études et recherche d’EDF, il crée en 1990 une société d’analyses statistiques. En avance sur son temps, elle met en oeuvre des techniques qui permettent à une entreprise de s’adapter à une problématique nouvelle sans avoir à refondre chaque fois son système informatique.

La machine ne se limite plus à remplacer l’homme. C’est déjà l’ère de l’aide à la décision. Ses bases de données et ses moyens d’accès à l’information permettent alors à des entreprises de faire l’économie de coûteuses recherches ayant peu de chances d’aboutir pour se concentrer sur les pistes les plus prometteuses. Rebaptisée « Umanis » en 1998, l’entreprise de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) n’en est plus là. Elle réalise aujourd’hui 150 millions d’euros de chiffre d’affaires avec 2.150 consultants et ingénieurs.

« La rupture, c’est la puissance et l’interconnexion de l’informatique qui permettent de détecter et d’analyser des signaux faibles pour prédire et anticiper ce qui va se passer, poursuit Eric Delafontenelle de la direction technique d’Umanis. Dans les télécoms, c’est bluffant. Il se dit que le traitement croisé des données client et des réseaux sociaux permet d’être sûr qu’un client va se désabonner dans les quinze jours. C’est vraisemblable. Après, c’est à l’entreprise de décider de la stratégie à adopter. »

L’entreprise choisit généralement la sécurité

Cela passe évidemment par l’utilisation de données de masse ou Big Data et la manière de les stocker. Dans 80 % des cas, ces tâches reposent sur la série de logiciels libres Hadoop, « Cela représente la plus grosse partie d’un projet, reprend Laurent Piepszownik. L’autre partie du travail concerne le data scientist, qui s’appuie sur des outils mathématiques et statistiques pour en extraire l’information. » Ce qui ne signifie pas qu’il connaisse mieux les données que celui qui les fournit, au contraire.

Seulement, ces outils évoluent vite et, intuitivement, l’entreprise cliente choisit la sécurité, quitte à attendre que les techniques les plus performantes aient fait leurs preuves. Le « Super Big Brother » attendra des jours meilleurs.

Les Echos 18/05/2016